Génocide des Rohingyas : Une politique de petits pas savamment orchestrée

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Génocide des Rohingyas : Une politique de petits pas savamment orchestrée

Article rédigé par Myriam HAMDANI, chargée de questions juridiques du Collectif HAMEB @2018

HISTORIQUE

L’origine du génocide est très ancienne.

Dès 1942, les Rohingyas furent l’objet de persécutions et de massacres. Plus de 100 000 membres de cette communauté furent tués cette même année. Dans les années 1960, les Rohingyas furent privés de l’accès à l’éducation.

L’Arakan regorge de gisements de gaz et minerais. Dès lors, pour s’accaparer les terres, la junte militaire pratique la stratégie de la terre brulée en vue de dissuader les Rohingyas de revenir. Insuffisante, et pour éviter un retour massif de ces derniers, le gouvernement les déchoit de leur nationalité en 1982. Les Rohingyas perdent la faculté de regagner la Birmanie et deviennent apatrides.

Pour tenter de justifier cette loi, la junte militaire au pouvoir prétend que les Rohingyas seraient venus du Bangladesh des suites du colonialisme britannique (1823).

Les mosquées bâties avant l’annexion britannique, les pièces de monnaie propres à la communauté des Rohingyas qui circulaient dans l’état d’Arakan (rebaptisé depuis « état Rakhine ») bien avant cette période, sont autant de preuves démontrant la fragilité de cette hypothèse erronée.

Des historiens attestent de la présence des Rohingyas sur ces terres dès le VIIIème siècle. En 1991, le gouvernement, au mépris de la constitution et du principe de laïcité y afférant, institutionnalise la haine à l’égard des musulmans en créant le Bureau de Promotion du Sasana* avec à sa tête Kyaw Lwin.

ENTRE CONNIVENCE ET MANIPULATION DE L’OPINION PUBLIQUE

La junte militaire s’est fréquemment tournée vers les bouddhistes représentant la religion majoritaire (90% de la population) pour légitimer son pouvoir acquis par des coups d’état successifs.

Les exactions à l’égard des Rohingyas permettent de justifier non seulement le maintien des militaires au pouvoir (dans un intérêt prétendument sécuritaire), mais aussi le pillage par ces derniers des ressources naturelles de l’Arakan où vivait la majorité des Rohingyas. Kyaw Lwin ne sera autre que le fondateur, en 1999, du mouvement 969, un mouvement promouvant une haine irrationnelle à l’encontre des musulmans.

Au sein de ce mouvement figure A.Wirathu, le plus emblématique des extrémistes bouddhistes. Ce dernier découvre en 1997 le livre « La peur de la disparition de la race », interdit par les autorités, excepté lorsqu’il sert leurs intérêts. Appelant au boycott des magasins tenus par des personnes de confession musulmane, à la prohibition de la vente de bien immobilier et plus généralement au ségrégationnisme des Rohingyas, ce livre inspira bon nombre de pamphlets et tracts largement diffusés dans toute la Birmanie.

Au cours d’une conférence à KYAUKSE en date du 3 septembre 2003, M. A.Wirathu dévoila son plan visant à planifier, selon ses termes, à la manière de « la CIA, du MOSSAD etc… Une opération efficace ».

A cette occasion, il demanda à ses disciples de se tenir prêts lorsqu’il leur ferait signe. Un mois plus tard, 11 personnes furent tuées, 2 mosquées et 2 magasins détruits à KYAUKSE.

Malgré des sanctions judiciaires, le mouvement 969 se poursuivra sous la forme du mouvement Ma Ba Tha le 15 janvier 2014. Entre temps, les extrémistes bouddhistes n’hésiteront pas à continuer de fomenter des conflits et d’en accuser à tort les musulmans, afin d’attiser la haine. Il s’agit pour eux de rationaliser leur discours et de présenter le besoin de « protection » de la race et de la religion birmane comme une nécessité immédiate.

Ce faisant, en 2012, des moines bouddhistes reprirent pour leur compte Facebook des images d’armes qu’ils présentèrent comme une découverte d’armes venant du Bengladesh et destinées aux Rohingyas. Il s’avéra, selon un rapport du C4ADS , qu’il s’agissait d’images d’armes en provenance d’Egypte datant de 2011 sans rapport avec les Rohingyas.

La tendance actuelle pour le gouvernement consiste à tenter de justifier ce génocide, manifestement antérieur à 2012, par un prétendu viol survenu en 2012 d’une femme bouddhiste par des musulmans. Force est de constater le caractère disproportionné et le caractère discutable de la réponse à ce prétendu crime.

Concomitamment au déplacement forcé et massif de la population locale, un projet d’envergure relatif au gaz « Shwe Gas », entrepris depuis plusieurs années, est partiellement mis en service en juillet 2013. Il devrait rapporter près de 1,8 milliard de dollars US à la Birmanie chaque année. Rien ne peut légitimer, ni justifier cette politique de nettoyage « ethniqueusitée » par les extrémistes bouddhistes en connivence avec la junte militaire.

Ces successions d’informations mensongères relayées à l’échelle nationale par les extrémistes bouddhistes, associées aux mesures gouvernementales de ségrégation, forment une propagande à laquelle le peuple, majoritairement astreint à la pauvreté, n’est pas indifférent.

Le fruit de cette propagande est l’adoption en 2015 par le Parlement Birman de 4 lois discriminatoires initiées par le Mouvement Ma Ba Tha. Ces lois, dont l’objet officiel est de « protéger la race et la religion » bouddhiste, prévoient notamment :

– L’obligation d’obtention d’une autorisation préalable délivrée par les autorités locales pour toute conversion à une autre religion que le bouddhisme, ainsi qu’en cas de mariage avec un non-bouddhiste,

– Le contrôle des naissances des minorités ethniques (dont font partie les Rohingyas).

– L’obligation d’obtention d’une autorisation préalable délivrée par les autorités locales pour toute conversion à une autre religion que le bouddhisme, ainsi qu’en cas de mariage avec un non-bouddhiste,

SUR LA COMPETITION ENERGETIQUE ET L’APPROPRIATION DES RICHESSES

Le gaz off-shore constitue la principale ressource de la junte militaire. En 1988, après le retrait du Général Ne Win, remplacé par le State Law and Order Restauration Council (SLORC), le Myanmar s’engage dans une politique d’ouverture économique au travers de concessions à des entreprises étrangères d’exploration puis d’exploitation on-shore et off-shore de gisements pétroliers et gaziers.

Après la répression de manifestants pacifiques de l’opposition civile, le refus de voir Aung San Suu Kyi, s’emparer du pouvoir suite aux élections et son assignation à résidence, au milieu des années 1990, la moitié des investisseurs étrangers se retire sous la pression médiatique et judiciaire d’ONG occidentales.

A partir de 1993 le SLORC autorise l’exploration d’un certain nombre de concessions menant aux découvertes successives d’importants gisements de gaz. La phase de déclin de l’industrie pétrolière est rapidement compensée par l’essor de l’industrie du gaz. Les campagnes médiatiques et judiciaires conduisent au retrait d’investisseurs occidentaux, sans impact majeur sur la junte qui trouve de nouveaux investisseurs, principalement asiatiques, moyennant : – Le renforcement des capacités militaires de la junte, – Un soutien politique, notamment devant le Conseil de Sécurité des Nations Unies, – Un soutien économique dans les secteurs stratégiques

La stratégie de sécurité énergétique permet à la junte militaire de réduire pour ne pas dire écarter l’impact des sanctions internationales qui devraient lui être infligées. Des multinationales telles que TOTAL, CHEVRON ou encore UNOCAL, mais aussi des états tels que la Chine, sont autant de puissances étrangères qui s’en accommodent fort bien et dont les investissements irriguent le pays, permettant au confit de s’enliser… L’industrie gazière constitue plus du tiers des investissements directs étrangers au Myanmar. Le seul site de Shwe, représente près de 54 milliards de dollars US sur 30 ans.

Les ressources énergétiques et les minerais ont motivé et porté au pouvoir la junte militaire, tout en garantissant son maintien. LA VALSE DES GENERAUX La Cour Pénale Internationale, indépendamment de l’absence de ratification du Traité de 2002 par la Birmanie, s’est déclarée compétente le 6 septembre 2018 pour juger si le traitement à l’encontre des Rohingyas relève d’un crime contre l’humanité.

La Birmanie a résolument rejeté cette décision. Traduire les généraux en justice est fondamental. Mais pour en finir avec les persécutions, il est indispensable de traiter les mécanismes qui ont permis de les porter et maintenir au pouvoir.

PROPOSITION DE STRATÉGIE PACIFIQUE DE RÉSOLUTION DU GENOCIDE

Le « Meurtre de membres du groupe », l’« Atteinte grave à l’intégrité physique ou mentale de membres du groupe », la « Soumission intentionnelle du groupe à des conditions d’existence devant entraîner sa destruction physique totale ou partielle », ou encore les « Mesures visant à entraver les naissances au sein du groupe » sont des actes non cumulatifs, qui commis dans l’intention de détruire, en tout ou en partie un groupe, constituent un crime de génocide selon le Statut de Rome de 1998. Pour lutter contre ce génocide, le Conseil de Sécurité doit adopter une résolution à l’encontre de la Birmanie sur le modèle de la résolution 181 du Conseil de sécurité de l’ONU relatif à la politique d’Apartheid en Afrique du Sud.

La Charte des Nations Unies donne compétence au Conseil de sécurité pour intervenir de manière coercitive contre tout ce qui peut menacer la paix. Depuis la guerre de Corée, l’interprétation de la Charte érige un droit de véto au profit des membres permanents en présence d’un seul vote négatif. Or, la mise en œuvre de mesures coercitives n’est recevable que dans le respect d’un autre principe fondamental, celui de l’égalité.

Force est de constater en l’espèce les limites de ce processus décisionnel.

Par ailleurs, une forte pression doit être exercée afin que la Chine cesse de se fournir en hydrocarbures en Birmanie, et ainsi de financer indirectement ce génocide. Il en va de même pour l’ensemble des multinationales implantées en Birmanie telles que Total ou Chevron, et tous les organismes, étatiques ou non, présents en Birmanie.

Etant précisé que cette problématique ne doit pas faire office de prétexte pour justifier l’intervention d’un pays tiers en Birmanie, qui ne ferait que légitimer le discours propagandiste du Pouvoir en place, et qui nourrirait le conflit, à l’instar des récentes expériences Syrienne et Libyenne.

Seules les forces d’interposition du Conseil de Sécurité seraient légitimes à intervenir, sous réserve de ne pas en dévoyer l’esprit. Aucune puissance étrangère ne doit tenter d’en tirer profit, notamment pour accroître ses parts de marché en matière énergétique sous couvert d’ingérence humanitaire. Le néocolonialisme doit cesser.

La Communauté internationale doit impérativement imposer un embargo portant sur les armes, les hydrocarbures et les minerais, et ce, jusqu’à la fin des persécutions et au rétablissement effectif des droits fondamentaux des Rohingyas et autres minorités ethniques persécutées dans le pays, notamment les peuples Kachin et Karen. Elle doit mettre en place un suivi régulier des conditions de vie de ces minorités, et s’assurer que le Gouvernement birman mette tous les moyens en œuvre pour en assurer le respect et mette un terme aux persécutions.

Enfin, le Gouvernement Birman doit impérativement permettre le respect du principe d’ingérence humanitaire, en levant toutes restrictions faites aux associations humanitaires venant au soutien des victimes.

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